Juillet 2009 - Les moments de grande émotion par Herbus

Les moments de grande émotion

Ce qu'il y a de formidable, dans le trail, ce n'est pas tant la performance physique, que ce qui se passe dans l'esprit du trailer lors de la course. Evidemment, on imagine sans peine que pour les lièvres de la discipline, il y a peu de place pour la gamberge; le mental est focalisé sur les sensations, sur la tactique à adopter, sur le chrono. Je pense que les Daniel, Laguim and co ne me contrediront pas sur ce point.

Non, ce qui motive mon propos, concerne plutôt les obscurs, les sans-grade du peloton, ceux qui mettent 3 heures de plus que les meilleurs, et je sais de quoi je cause.

Ceux-là, passés les moments de souffrance (« maudites crampes »), les moments de découragement (« mais qu'est-ce que je fous ici ? »), voire même (si, si!) les moments d'espoir (« ouais! plus que 15 km! »), ceux-là, disais-je, tels les pèlerins, le nez dans les godasses, les corps penché sur leurs bâtons, connaissent parfois des périodes d'introspection, de questionnements peut-être, sur la vie en général, sur leurs enfants qu'ils imaginent les attendant sur la ligne d'arrivée, sur le bon copain qui souffre sur son lit d'hôpital, sur le temps qu'ils ne consacrent pas assez à leur femme (leur mari), pourquoi pas?

Vous voulez un exemple ? Et bien chez moi, ces moments ne se sont produits que lorsque certaines conditions sont réunies: un trail plutôt long donc difficile (un ultra, tiens!), un petit secteur de relance avant l'arrivée (très important, ça, c'est le moment où tu sens que ta galère va bientôt se terminer), pas de concurrent devant toi que tu cherches à doubler, pas plus derrière qui te pousse au c.., bref un moment de calme relatif; tu es seul, face à toi-même, tu te mets à penser à quelque chose, à quelqu'un que tu aimes (un parent, un ami dans la difficulté...), et c'est là que la grosse émotion apparaît, c'est là que la gorge se serre, tu as une bouffée de chaleur qui monte à tes joues, tu as les yeux qui piquent,et tu as beau la faire rapidement disparaître d'un revers de manche, tu as une larme qui coule...

J'ai vécu ça et je n'ai pas de honte à le dire, parce que je suis sûr que vous aussi. Si ce n'est pas le cas, je suis sûr que ça le sera un jour. Ou en tout cas je vous le souhaite. Parce que le trail (comme d'autres sports d'ultra endurance j' imagine), c'est ça, c'est une épreuve de ta vie, c'est un retour sur soi, c'est une résurgence d'émotions primaires, brutes, voire brutales, c'est un moment où l'effort te met à nu, c'est un moment privilégié pour faire le point, sur ce que l'on a manqué, et surtout sur ce que l'on se promet de changer, de réussir.
Parce que courir en montagne, ça épuise, et c'est cet épuisement qui te fait aller au fond de toi, mais surtout ça donne une patate énorme, une volonté de faire bouger les choses du quotidien, ça resurgit sur tout ce que tu es et ce (ceux) qui t'entoure(nt). J'espère connaître encore beaucoup de ces moments de grande émotion.
Je te le dis mon ami: le trail, ça te rend meilleur.
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PS : Bravo à Herbus pour ce magnifique édito...